mardi 21 mai 2013

Les enrênements, utilisation et abus.

Un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre, qui est la cause de nombreux pugilats entre les "pro" et les "anti". Alors au final les enrênements, amis ou ennemis ?

       Depuis quelques années, les enrênements connaissent un réel engouement. A toutes les sauces, à la longe ou en selle, nous en voyons absolument partout. Trop de cavaliers novices utilisent ces outils délicats qui peuvent avoir des conséquences catastrophiques, douloureuses et néfastes sur un cheval. « Il ne faut pas oublier que la plupart de ces procédés, (aides artificielles) excellents entre certaines mains, mais deviennent dangereux avec des cavaliers moins expérimentés. En outre, les résultats obtenus, parfois très rapidement, à l'aide de ces moyens, ne sont généralement que superficiels. Ils ne sauraient donc suppléer à la véritable éducation du cheval qui réside autant dans sa soumission morale que dans son obéissance physique aux aides naturelles. » (Manuel d'Equitation de 1976, inspiré des principes de la cavalerie de Saumur.)
       Nous pouvons donc en conclure que pour manier les enrênements il faut avoir acquis un certain niveau de maîtrise à cheval, posséder un fin doigté et une certaine sensibilité pour savoir quand l'enrênement doit agir, quand il doit se relâcher et surtout quand ne plus l'utiliser ! Un trop grand nombre de cavalier se sentant performants grâce à l'utilisation des enrênements ne s'en séparent plus et les conservent au-delà du besoin initial de remettre un cheval à l'endroit par exemple.

"Piaffer Brillant", dans le plus simple appareil.
(1915, Etienne Beudant sur Mabrouk.)

       Il est donc possible d'obtenir de son cheval une bonne attitude, même aux airs relevés sans avoir forcément recours à l'utilisation de brides ou autres enrênements divers. Nous pouvons observer ici ce que l'on appelle la "descente d'aides", mains qui n'agissent plus ou très peu, jambes qui tombent librement sur un cheval nous éblouissant de toute sa magnificence, toute sa puissance. La question que je me pose alors est la suivante : "Comment se fait-il que beaucoup de cavaliers ne soient pas capables d'obtenir une simple détente, sur des chevaux à l'endroit, sans tout ces enrênements ?"
       Il est visible ici que même sur des figures complexes demandant un cheval parfaitement dressé & un cavalier expérimenté, il est donc tout à fait possible d'envisager une équitation de loisir et même de compétition qui ne requiert pas un tel niveau d'excellence en utilisant un équipement des plus basiques, non ? L'utilisation d'enrênements complexes, de mors plus puissants et autres éperons ne sont-ils donc pas en réalité utilisés dans le but de flatter l'ego du cavalier qui s'en équipe, au 21ème siècle ? Bien évidemment il y a des cavaliers, Dieu merci, qui utilisent ces équipements de manière consciente et dans un but précis, qui sont capables d'expliquer la raison de ce choix.

Enrênement Pessoa utilisé à la longe afin de remettre le cheval en condition à la suite d'une maladie.
(Larédo du Blout, poney de Fanny Abiven.)
Enrênement Gogue utilisé à la longe afin de remettre le cheval en condition suite à des soucis de santé.
(Festivo, cheval de Marie Delanoue.)
Enrênement ajusté trop court, il ne suggère pas au cheval une attitude, il impose. Le cheval ne peut s'étendre et même s'il cédait il serait dans une attitude "bas & rond" et non "bas & long".
(Baron, cheval de Justine Barège.)

       L'utilité de base des enrênements est donc, nous l'avons compris, d'orienter son cheval vers une attitude donnée et non lui imposer en le coinçant dans des ficelles sans lui laisser la possibilité de réfléchir. Ils servent également à limiter une attitude et non pas l'empêcher, comme la martingale ou les rênes allemandes qui servent à limiter le relèvement de la tête (nez au vent qui creuse le dos avec les postérieurs qui ne suivent plus) sont malheureusement souvent utilisés dans un autre but. Les rênes allemandes sont donc mises en place pour faire comprendre doucement au cheval que le confort est de garder la tête à une hauteur raisonnable sans se renverser, mais elles ne doivent pas remplacer l'action du cavalier et ne doivent pas être utilisées dans le ramener qui est une attitude librement adoptée par le cheval dans le travail afin de basculer son poids sur les hanches, ce qui facilite le travail.
       « Il est en effet possible de ramener le chanfrein à la verticale en obligeant le cheval à ployer son encolure. Mais si cette position est obtenue de façon artificielle, et non parce que l'ensemble du poids du corps se reporte vers l'arrière en permettant à l'avant-main de s'alléger et de remonter, il n'y a ni réel équilibre, ni légèreté, ni, à long terme, dressage de qualité. Le ramener est le résultat d'un long travail qui permet au cheval d'acquérir la musculature et la souplesse requises ainsi que d'assimiler peu à peu les éléments du dressage. Un cheval peut accéder au ramener lorsqu'il est dans l'impulsion, en équilibre et droit, qu'il cède dans sa bouche et dans son corps latéralement et longitudinalement, et qu'il mobilise ses hanches à la demande. »
       « Les rênes allemandes sont sensées corriger une positon trop haute ou retournée de l'encolure. Elle doit ré-orienter l'encolure dans une direction acceptable, sans la contraindre à une place unique. Le cheval conserve un minimum de liberté dans les mouvements de sa tête, liberté dont il a besoin par exemple pour se plier, tourner, regarder. Toutefois limité dans l'amplitude de ces gestes, le cheval rentre plus facilement dans le couloir des aides : les rênes allemandes elles-mêmes n'éduquent pas. Le cavalier doit se servir du langage des aides pour éduquer son cheval. »

Rênes Allemandes utilisées dans le but de limiter la hauteur de la tête.
(Top Model et Marion Poisson.)

Rênes Allemandes utilisées à outrance dans le but d'un faux-ramener.
(Anonyme.)

       En conclusion, les enrênements quels qu'ils soient ne doivent pas être utilisés par n'importe qui, sur n'importe quel cheval, à n'importe quel moment. L'utilisation abusive des enrênements est un fléau, chacun se pensant suffisamment expérimenté pour s'en servir ou n'essayant pas de s'en sortir sans, la bonne parade pour monter sans passer de temps à réfléchir, à se remettre en question. Dans la croyance commune, le cheval ayant une attitude "encolure arrondie, angle tête-encolure fermé, chanfrein à la verticale ou en arrière" il y a un sentiment que beaucoup ont "le cheval travaille". Oui, mais ! Sur un enrênement trop serré ou avec un cheval qui se défend contre, le dos ne fonctionne pas et se creuse sous le poids du cavalier, les postérieurs sont à "trois kilomètres" et dans sa résistance, le cheval contracte son muscle sterno-céphalique  entre autres, et qui, à la longue en plus de causer des douleurs physiques, donne des chevaux dits "à l'envers".
A gauche un cheval à l'envers. A droite un cheval dans le bon sens.

       Les enrênements et autres artifices, c'est comme tout. Un peu de temps en temps, mais en abuser est nocif, dangereux. Pour dresser un cheval, il faut savoir prendre le temps et ne pas être trop gourmand ou impatient. Il faut plusieurs années pour obtenir d'un cheval un dressage en légèreté & harmonieux. L'utilisation systématique d'enrênements peut donner le sentiment qu'il y a une progression, qu'en peu de temps le cheval aura acquis un certain niveau mais cette pensée n'est qu'une illusion si une fois les ficelles ôtées le cheval reprend sa "forme" initiale, à l'envers et dans une attitude pire qu'à l'origine. N'oublions pas que le cheval n'est pas un sapin de Noël, les guirlandes ne sont pas de très bon goût !

Illustration de l'abus des enrênements et autres outils visant à soumettre par la force.
(Birbante et moi-même.)

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samedi 18 mai 2013

Qui suis-je ? Où vais-je ?

Bonjour à tous.

Ce blog est le blog d'une jeune cavalière que je suis, débutante avertie à la recherche d'une éternelle harmonie, d'une certaine légèreté, de la compréhension des Chevaux. Bref, une équitation à mes yeux parfaite, celle qui me fait briller les yeux et me décroche même parfois une petite larme d'émotion.

J'ai très longtemps suivi bêtement ce que l'on me disait puisque si j'osais m'éloigner du chemin tout tracé je me faisais reprendre. On ne sait jamais, des fois que l'on puisse y arriver d'une manière différente cela remettrait en cause l'enseignement dispensé ..

Alors, j'avais pas l'air heureuse sur mon grand poney ?
(Novembre 2005, Marsik du Vivarais.)

J'ai malheureusement dérivé de cette équitation en simplicité, dans le respect du cheval pour rejoindre le cercle des cavaliers de CSO très compet' et c'est là que j'ai vécu la pire phase de ma vie de cavalière. A ce moment là, mon petit être innocent fit la rencontre des martingales, rênes allemandes, muserolles croisées, pessoa, pelham, éperons, cravaches ainsi que de leurs utilisations dérivées. Tout d'abord réticente à l'utilisation de tels objets, j'ai fini par céder et m'y faire en me disant qu'après tout, "mon moniteur a raison."

Muserolle croisée avec sa super moutmout assortie au tapis, martingale inutile mais surtout bien trop courte, amortisseur, selle trop étroite, trop en avant mais bloquée par un collier de chasse bien trop serré.
(Février 2009, Douune.)

Mais il y a un moment où l'on se demande "Pourquoi ?", ce moment bénit où l'on remet tout en cause, ce moment où tout ce que l'on voit autour de nous et qui nous paraissait normal devient tout d'un coup d'une horreur absolue. C'est après avoir lu de nombreux articles, de nombreux témoignages que je me suis demandée comment j'en étais arrivée là, tout ce que l'on m'avait enseigné enfant avait disparu. A quel moment j'étais passée d'amoureuse des chevaux à bourreau ? Comment était-il possible que je devienne une personne comme ça, moi qui aimait les chevaux pour être avec eux, pour les aimer, pour les voir s'épanouir au pré ?

Lorsque nous arrivons dans un lieu nouveau, il y a des personnes nouvelles qui (en l'occurrence ici nous parlons de cavaliers) ont un niveau supérieur à vous, sautent des obstacles plus hauts que vous, montent des chevaux de valeur et délicats et deviennent par conséquent ce que l'on appelle le "groupe de référence", celui  que l'on prend pour modèle, que l'on admire, que l'on imite et dont on adopte comportements, valeurs, normes. Pour que ce groupe de référence devienne notre groupe d'appartenance il nous faut nous contorsionner pour entrer dans le moule de ce cercle fermé. Quand on a 15 ans et qu'on veut être accepté au sein d'un nouvel endroit pour ne pas se retrouver seule .. on oublie peu à peu nos valeurs originelles et on ferme les yeux sur ce qui nous aurait fait bondir auparavant.

Cette photo se passe de commentaires et parle d'elle-même.
(Juillet 2009, Akella.)

Puis tout à coup j'ai dit stop, j'ai pris mes clics & mes clacs et j'ai quitté cette écurie pour monter chez moi, en enlevant tout ce bazar qui ne servait à rien. J'ai passé six mois à pied avec mes juments avant de me décider à remonter ma ponette. C'était difficile de comprendre les méthodes qui me faisait rêver, cette équitation issue de la tradition Française qui faisait autrefois la fierté des cavaliers de ce pays. Pendant une année j'ai tâtonné, j'ai cherché, je ne comprenais pas tout mais je m'y accrochais. A la suite de certains événements je me suis décidée à faire mon retour à l'écurie mais en montant à ma manière. J'avais toujours le même poney qui n'était pas aimé du tout à cause de son physique, sa robe, son caractère. Très vite je suis passée d'un pessoa dernier anneau muserolle serrée à bloc à un mors aiguille double brisure muserolle lâche. Gérable à l'obstacle, de plus en plus réactif et souple en dressage qu'il n'avait jamais pratiqué, bref un pur bonheur. C'est une torture pour moi quand je le vois depuis que je suis partie .. Retour à zéro.

Au cours d'une séance lors de ma recherche d'une équitation différente en solitaire.
(Mai 2012, Douune.)

Ma réelle rencontre avec l'équitation de légèreté se fit à la fin de l'été 2012 grâce à une monitrice d'agility qui a la même recherche que moi en équitation. Elle me donna le numéro de sa monitrice et la grande aventure débuta .. Première séance uniquement à pied car elle avait décelé un blocage au niveau de l'arrière-main de ma Douune, donc pas question pour elle de me faire travailler dans ces conditions. Marjolaine me réapprit à longer correctement, me montra les techniques de mobilisation de la mâchoire, des flexions, des extensions d'encolure. Ces exercices paraissent simple mais chez un cheval à qui personne ne lui avait jamais demandé d'être souple, ce fut une étape extrêmement compliquée. Grâce aux sucres, il a alors été possible de lui faire comprendre la cession de mâchoire, puis les flexions lui firent d'abord bouger les hanches car elle n'arrivait pas à venir se plier aisément. C'est à force de travail, de patience et de douceur qu'il fut possible pour elle de se plier sans efforts considérables. C'est ce que nous avons mis en place lors de la séance suivante, mais monté ! Marjolaine laisse souvent plusieurs semaines voire mois pour que l'on puisse travailler les exercices donnés, mais aussi dans ce cas-là pour laisser le temps à l'ostéo de venir remettre ma belle en place.

Premier cours monté avec Marjolaine.
Explications pour la flexion d'encolure tout en gardant une encolure remontée.
(Octobre 2012, Douune.)

Depuis je continue mon bout de chemin, seule ou accompagnée d'enseignants, de cavaliers, d'amis qui m'aident à mieux comprendre l'équitation, les chevaux, les méthodes et me permettent encore et encore de me pousser à réfléchir. Grâce à des propriétaires ou éleveurs qui me font confiance, j'ai la chance de pouvoir découvrir de nouvelles sensations sur différents chevaux, d'évoluer encore et encore vers une équitation toujours plus fine, toujours plus raisonnée. Il est parfois difficile lorsque nous avons des idées dites farfelues, différentes, bizarres, qui sortent des sentiers battus, d'évoluer librement et de profiter de notre progression mais la satisfaction personnelle d'avoir atteint un centième de nos objectifs est plus forte que tout.

Flexion d'encolure exagérée pour conserver l'attention du cheval qui me tirait vers l'extérieur.
(Mai 2013 - Birbante. Photo par Mark.S Photo.)